"Il était une fois un homme qui fabriquait du
savon ..." - c’est ainsi que commence l’histoire que je veux raconter
aujourd’hui. A dire vrai, il ne s’agit pas tout à fait d’un conte de fées,
parce qu’il parle aussi de chiffres et de la façon dont ils illustrent la
propagation de la pandémie de Coronavirus. Mais puisque pour beaucoup c’est un
livre fermé, voici l’histoire :
L’amère
histoire de l’impérieux fabricant de savon Exsder et de son ami le fabricant de
boîtes.
Préambule:
Et voici l’histoire du
fabricant de savon.
J’espère qu’elle permettra de révéler
le mode opératoire du coronavirus :
Il était une fois un sympathique fabricant de savon, appelons-le Lisder. Au début de cette histoire, il a 100 savonnettes
en stock. Chaque jour, il en produit 10 nouvelles pièces, qu’il transporte dans
son entrepôt pour les vendre sur les grands marchés printaniers du mois de mai.
Comment son stock va-t-il évoluer
dans les 10 prochains jours? Le premier, le deuxième, le troisième ... le dixième
jour ? Il va croître: 110, 120, 130 pièces, jusqu’à 200. Après 20, 30, 40, 50
jours, il possède 300, 400, 500, 600 pièces. En mai, il aura plusieurs
centaines de pièces à vendre. C’est une croissance linéaire !
Il en va autrement pour l’impérieux fabricant de savon, appelons-le Exsder. Lui aussi
produit du savon. Mais chaque jour il fabrique 10% du stock de la veille. Au début de
C’est une évidence : après quelque temps, Exsder, l’impérieux fabricant de savon, affichera de bien meilleurs résultats que son collègue Lisder. Les premiers jours, la différence n’est guère significative. Exsder ne produit
que quelques savonnettes de plus. Mais après, la production
augmente. Le nombre de savonnettes monte en flèche! Tous les sept jours, le
stock d’Exsder double, tandis que le placide Lisder n’aura produit que 70
savonnettes supplémentaires.
Cependant, les deux fabricants de savon font face à un
problème : que faire de tout ce stock ? Nos fabricants ont heureusement des amis qui fabriquent des boîtes d’une contenance de 100 savonnettes,
au rythme habituel d’une par jour.
Pour l’impérieux fabricant de savon, c’est une autre histoire. Le fabricant de boîtes livrera sa première boîte le premier
jour. Sa deuxième boîte déjà le septième jour, trois jours avant que le sympathique fabricant de savon n’ait besoin de la sienne.
Ensuite, cela va très vite. Les
boîtes suivantes sont requises les 11ème , 14ème et 17ème
jours. Du 19ème au 25ème
jour, le fabricant de boîtes doit en produire une par jour. Il ne
travaille que pour l’impérieux fabricant de savon. Après cela se corse : deux
boîtes par jour, puis à partir du 36ème jour il en déjà est à trois
boîtes par jour, à partir du 40ème jour à quatre boîtes par jour.
Dès le 50ème jour, il lui faut produire 10 boîtes par jour.
Ce n’est pas tenable ! Le fabricant
de boîtes ne sait plus où donner de la tête, Burnout, maladie... pire encore. Dès le 25e jour,
le fabricant de boîtes ne peut plus suivre, les savonnettes non emballées s’empilent
de plus en plus - et chaque jour il en arrive davantage... Le monde suffoque
sous le savon !
Et c’est exactement
ce qui se passe avec cette nouvelle maladie infectieuse, le coronavirus.
Et
ce n’est pas un conte de fées.
Mais un simple calcul
Postface :
Nous sommes le 29 mars 2020 dans la petite ville dont
je parle. A ce jour, 18 personnes sont déclarées infectées par le coronavirus.
Cela semble relativement inoffensif, dans cette petite ville de 20.000
habitants. Ce pourcentage est actuellement la norme en Allemagne. Si on veut
extrapoler ce nombre de 18 malades de la petite ville, et l’appliquer à 100 000
habitants, 90 personnes seraient affectées. Cela resterait encore dans la norme.
À titre de comparaison, il y a actuellement dans d’autres régions 300 à 400
malades pour 100.000 personnes. Cependant, le nombre de personnes infectées mais qui ne
présentent pas de symptômes est probablement beaucoup plus élevé, aussi chez
nous. C’est une particularité de la maladie du coronavirus.
Néanmoins, il y a trois remarques à ajouter :
1.
Il y a peu de
cas de maladie par rapport à la population totale. Cela signifie également qu’un
grand nombre de personnes peuvent encore être infectés.
2.
Le virus se
propage de façon irrégulière. Cela signifie qu’il y a, sur la carte des
infections, de nombreuses taches blanches où le virus peut encore apparaître.
3.
Le nombre de cas
dans les zones touchées peut augmenter très brutalement.
Derrière la troisième remarque se cache le phénomène
de croissance exponentielle. Les première et deuxième remarques décrivent les
conditions dans lesquelles une croissance exponentielle peut se produire.
De la
fabrication du savon à la propagation du coronavirus.
S’il y a 100 personnes infectées dans une population
et que le taux d’infection est de 10%, ces 100 personnes infectent en 10, 20,
30, 40 et 50 jours, respectivement 259, 673, 1.745, 4. 526 et 11.739
autres personnes. Mais comment pourra-t-on leur fournir un traitement médical ?
Combien de lits d’hôpitaux sont-ils disponibles ?
Ce problème bien réel correspond dans le conte de fées
au problème du fabricant de boîtes d’Exsder : c’est impossible !
En ce qui concerne la situation actuelle, en Italie,
le taux de croissance des personnes nouvellement infectées chaque jour est de
10%. A l’heure actuelle, le nombre de personnes infectées double tous les sept
jours. En Allemagne, c’est plus rapide : chez nous il a doublé à peu près tous
les 5 jours jusqu’au 29 mars.
Le taux de croissance dans la région où se situe notre
petite ville est plus proche de 13% que de 10%. Il est stable depuis quelques
jours. C’est un pronostic simple : si le 17 mars 100 personnes étaient
infectées, en se basant sur une croissance de 10%, l’évolution devrait être la
suivante (les chiffres réels sont entre parenthèses) :
18 mars 110
(134), 19 mars 121 mars (157), 20 mars 133 (179), 21 mars 146 (202), 22 mars
161 (219), 23 mars 177 (224), 24 mars 195 (254), 25 mars 214 (277), 26 mars 236
(315), 27 mars 259 (335)...
Cependant le taux de croissance est supérieur
à 10%, il frise les 13%. Avec un taux de croissance de 13%, environ 1/1000 de la population
de la région seraient infectées le 27 mars. Le 50ème jour, le 6 mai,
une personne sur sept serait malade : 58 277 personnes. Si le taux de
croissance restait à 10% du 18 mars au 6 mai, il n’y aurait « que » 11 739
personnes malades. C’est-à-dire 46 538 personnes de moins qu’avec un taux de 13%.
Au moment où j’écris, le sort des 356 personnes
identifiées comme infectées dans mon district est le suivant : environ
85 sont guéries. Une personne est décédée. Nous connaissons donc le sort
d’environ 25% de la population infectée. A peu près 10% des personnes infectées
doivent se rendre à l’hôpital. Une sur deux d’entre elles est en soins
intensifs. Aujourd’hui, les hôpitaux de
la région peuvent encore subvenir aux besoins de la population. Toutefois, si
le taux de croissance actuel des infections au coronavirus se maintenait, la
capacité totale de notre région en soins intensifs serait atteinte en quelques
jours. Alors cela deviendrait tendu. Ce ne sont pas des contes de fées, ce sont
des mathématiques.
Conclusion : Il faut réduire le taux de croissance des infections. Moins de gens
doivent tomber malades que ces dernières semaines. C’est pourquoi nous avons
besoin de «distanciation sociale» avec toutes ses mesures. Elles réduisent la
probabilité qu’une personne infectée sans symptôme visible ne soit en mesure
d’infecter d’autres personnes.
Incontrôlable, le virus se comporte comme Exsder, l’impérieux fabricant de savon. Il devient impossible de fournir les soins
nécessaires.
Des mesures telles que la quarantaine et la
distanciation sociale, ainsi qu’une hygiène accrue, ralentissent la propagation
et sont donc d’autant plus importantes qu’elles permettent de soigner les personnes
malades.
Fin de l’histoire.
Restez chez vous !
p.s. En date du 5 avril le nombre des personnes infectées est que 481, ca marche!
p.p.s. Grand Merci á Anne (traduction) & Yacha (images)
p.p.s. Grand Merci á Anne (traduction) & Yacha (images)
(c) Ukko El'Hob
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